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Cathodic Holocaust (critique)

Ça fait un bon moment maintenant que j’hésite à me lancer dans une critique de cette merveille visionnaire qu’est C’est arrivé près de chez vous. Mais je pense maintenant avoir trouvé un angle d’attaque après avoir vu le court-métrage Maniac de Shia LaBeouf, un court-métrage en français (oui oui) qui, selon son auteur lui-même, a été inspiré par le plus grand film belge (européen ?) de tous les temps. Mais je ne vous conseille pas spécialement ce court, hormis peut-être pour voir ce que ça donne quand des américains tentent d’écrire un générique de fin en français, ce qui est quand même relativement drôle.


C'est arrivé près de chez vous - réalisé par Rémy BELVAUX & André BONZEL

sorti en France le 4 novembre 1992

Je vais aller très vite concernant Maniac, le film nous fait suivre deux mecs qui butent des gens à tout va et qui sont suivis par un caméraman et un perchman. À part ça, pas grand chose à voir avec le film d’aujourd’hui. « Ça a déjà l’air pas mal ressemblant » me rétorqueront peut-être certains d’entre vous. Pas du tout. Si vous considérez que C’est arrivé près de chez vous n’est rien de plus que les joyeuses aventures d’un serial killer suivi par une équipe TV dont le seul but est de procurer un peu de lol, désolé de vous le dire, mais vous êtes loin du compte… Ce film est l’un des plus géniaux (voire LE plus génial) qui aient jamais été faits sur le monde de la télévision, et sur son avenir. Rappelez-vous que nous sommes en 1992 au moment de sa sortie…


Alors oui, ce film est certainement l’un des plus drôles du monde, ses dialogues sont monstrueusement hilarants, mais c’est son caractère visionnaire qui le fait passer du stade d’excellente comédie noire à celui de chef-d’oeuvre. Pour tout dire, j’ai même du mal à le considérer « simplement » comme une comédie. On a ici avant tout affaire à une critique de la télévision et du voyeurisme qui y règne de plus en plus. Film étudiant à l'origine (ce qui le rend d'autant plus impressionnant), C'est arrivé près de chez vous se veut une parodie de l'émission Strip-Tease, et, peut-être sans même s'en rendre compte, est bien plus intelligent que ça. Le film traite du rapport au scandale. Quand j'entends un prof d'Histoire du Cinéma dire que la scène du viol est traitée comme un gag (véridique), je m'indigne, pardon ! C'est tout le contraire. Rien de ce qui est montré dans ce film n'est censé être drôle. Et c'est de ce constat que le film tire son génie: il fait ressortir le côté cynique et malsain des gens qui l'aiment, moi le premier. Et quand bien même on peut ne pas l'aimer, je doute qu'il puisse réellement laisser indifférent.


Par sa forme de reportage filmé en caméra à l'épaule, il nous invite à une proximité des plus extrêmes avec le quotidien de Ben, tueur en série interprété par un Benoît Poelvoorde magistral, et pose la question de cette même proximité entre le spectateur et les émissions et documentaires spécialisé(e)s dans le scandale dont le public commence à devenir de plus en plus friand au moment de sa sortie, et encore davantage aujourd'hui. Le message du film est simple: "Vous voulez du scandale ? C'est ce qu'on va voir…" C'est d'un morbide et d’un cynisme à toute épreuve, mais ça n’est certainement pas vain. Durant une heure et demi, on se sentirait presque ami avec ce fou furieux de Ben, et on en deviendrait même "complice". Et là, bim ! Le propos prend toute son ampleur: à quel moment devient-on complice de ce qu'on regarde ?


On voit assez rapidement en Ben un personnage attachant, quand bien même entre deux envolées poétiques il tue hommes, femmes, vieillard(e)s, enfants même (mais d'habitude il ne le fait pas, soyons indulgents)… Le film devient insupportable par moments, et c'est bien normal puisqu'il pousse à l'extrême ce que les spectateurs demandent à voir sans même savoir de quoi ils parlent vraiment. Voilà une oeuvre qui a prédit 20 ans à l’avance l’émergence du buzz, et de ce sentiment qu’on peut avoir pour quelque chose que l’on sait immonde, mais qu’on a quand même envie de voir. Jonglant en permanence entre l’humour et le malaise, le film est bourré de scènes abominables (celle du viol restera sûrement comme la plus marquante) dont le but est de nous rappeler que, quelques instants auparavant, on était en train de se marrer comme des connards avec le psychopathe qui maintenant nous dégoûte… C’est qui le monstre maintenant ? Celui qui tue et qui viole ? Ou celui qui le regarde faire avec une fascination morbide et qui lui pardonnera dès sa prochaine réplique drôle ? Sans la proximité et l’humour que le film a initié dès les premières minutes, cet effet n’aurait jamais été possible, et c’est ce que Shia LaBeouf n’a pas compris quand il a fait Maniac. C’est con, c’est le seul truc qu’il fallait retenir…


C’est arrivé près de chez vous n’est pas seulement une super comédie bourrée de répliques cultes à ressortir en soirée, c’est un putain de chef-d’oeuvre et un indispensable absolu.



 ceci est un message de captain prozac 

 

Salut, c'est Prozac, le mec derrière le site. Juste pour dire qu'il faut éviter de prendre tout ce que je dis au pied de la lettre et me considérer comme le Grand Gardien de la Vérité, de la Morale et du Bon Goût (même si c'est bien le genre de truc que j'aime dire). 

Voilà. Éclate-toi, et va voir des films.
 

Bisous.

 sorties à surveiller: 

 

17/06:  Swiss Army Man de Daniel SCHEINERT & Dan KWAN

10/08: Parasol de Valéry ROSIER

05/10: Mademoiselle de Park CHAN-WOOK

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