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"I think this just might be my masterpiece" (critique)

  • Captain Prozac
  • 15 sept. 2015
  • 4 min de lecture

Allez, je l’avais promis à la fin de ma critique sur Rosemary’s baby, cette fois-ci je vais faire une critique positive, sans gueuler, et uniquement pour parler de trucs chouettes. Et avant toute chose, je tiens à préciser que Quentin Dupieux est un de mes réalisateurs préférés, et que je le considère comme le meilleur réalisateur de sa génération, et le meilleur réalisateur français vivant (avec Albert Dupontel et Bertrand Blier, même si les meilleurs films de ce dernier sont derrière lui). Je tiens aussi à préciser que quand je parle ici de "la carrière" ou de "la filmographie" de Quentin Dupieux, je pars à partir de Rubber. Je considère Nonfilm (bien que cool) comme un coup d'essai, et Steak comme un film pas terrible.


Réalité - réalisé par Quentin DUPIEUX - sorti en France le 18 février 2015

J'ai tendance à voir dans Wrong Cops comme un changement de cap dans la filmo de Dupieux (oui, je vais mentionner vite fait ses films précédents, mais vous inquiétez pas, je vais parler de Réalité au bout d'un moment). Là où Rubber et Wrong nous plongeaient dans un univers purement surréaliste, Wrong Cops a changé la donne en nous offrant un film "réaliste" (par opposition à "surréaliste" je veux dire, techniquement tout ce qui arrive dans Wrong Cops POURRAIT arriver…), et à l'heure où on ne sait pas trop ce que va donner la suite, Quentin Dupieux nous balance un genre de synthèse de tout ce qu'il a fait jusque là: Réalité.


Une des choses qui m'énervent un peu, c'est de voir à droite à gauche un bon nombre de personnes dire de ce film qu'il n'y a "rien à comprendre" ou bien "c'est juste trop perché, c'est cooool"… Réalité est de loin le film le plus réfléchi et le plus maîtrisé de Dupieux. Le film est constitué de deux parties: une partie "construction" et une partie "déconstruction". On pose d'emblée les personnages principaux, ainsi que leurs histoires qui, on l'imagine bien, vont finir par s'entremêler à un moment où à un autre. Et on remarque au bout d'un moment que ces histoires, chacune reliée aux autres par un quelconque moyen, forment une boucle. Puis commence l'étape de trituration de cerveau, illustrée par une "crise d'eczéma intérieure" (métaphore superbement trouvée). Passé environ… allez, disons trois petits quarts d'heure de film, pléthore d'interprétations s'offrent au spectateur. Rêve ? Paranoïa ? Dédoublement de personnalité ? Voyage dans le temps ? Le film commence à nous poser quelques questions, et chaque élément avançant dans l'intrigue semble être là pour nous conforter dans notre pensée.


Et c'est à partir de là que le film devient génial: au moment où l'on pense avoir plus ou moins cerné ce qu'on est en train de regarder, le film prend un malin plaisir à annihiler une par une toutes les théories que l'on pouvait avoir. La boucle se déforme peu à peu, prenant un aspect différent sans cesser pour autant de relier toutes les histoires entre elles. Ça commence sévèrement à se barrer en couille complet, et notre cerveau nous pousse de plus en plus à prononcer cette phrase (qu'Alain Chabat finira par prononcer pour nous): "Je suis en train de perdre les pédales". La mise en abîme devient de plus en plus poussée, et de toutes les théories qu'on pouvait imaginer jusqu'alors n'en demeure qu'une seule: le rêve. Réalité est une version "anti-film d'action" de ce qu'aurait dû être Inception. Le film se termine en apothéose dans une scène qui mêle à merveille le côté onirique et le côté "mise en abîme". Quentin Dupieux se permet même une auto-congratulation discrète, à la manière du "I think this just might be my masterpiece" de Tarantino dans Inglourious Basterds. Et pour le coup c’est difficile de le contredire, ce film est bel et bien son chef-d'oeuvre.


Réalité est un film sur l'obsession. Inhérente à l'artiste qui vient de trouver une idée qui lui tient à coeur, elle est ici véhiculée par au moins trois des personnages principaux, et se fait de plus en plus intense au fur et à mesure que le film avance. Mais son principal atout est d'avoir su s'affranchir d'un nonsense purement humoristique pour le mettre à profit d'une narration bordélique en apparence, mais qui fait finalement sens sans fléchir une seule seconde. La première partie nous offre une performance, que je crois n'avoir jamais vu aussi bien foutue au cinéma, de comique d'exaspération menée de main de maître. En plus de ça l'image est magnifique, la BO hypnotique (bien que composée d'environ un morceau) et on a même droit à une mini-critique de la télévision qui, si elle est simpliste et inapprofondie (je pense que ce mot n'existe pas), a le mérite de ne pas prétendre être autre chose qu'un gag sympathique. Je l'ai déjà plus ou moins dit, mais je trouve que ça résume bien: Réalité est un film qui construit un univers et qui commence à le déconstruire au moment même où on commence à le comprendre.


Donc oui, c'est barré, mais non, il n’y a pas "rien à comprendre". Dès lors qu’on se laisse emporter par son univers, il devient évident que l’histoire suit une logique qui lui est propre et qui, si elle peut nous échapper, reste cohérente du début à la fin. Bref, ce film retourne pas mal la gueule, et je le considère comme le meilleur film de Quentin Dupieux, le meilleur film de l’année 2015 (même si l’année n’est pas encore finie, je serais surpris de voir mieux), le meilleur film de cette première moitié de décennie, et le meilleur film français depuis Buffet Froid en 1979. Quentin Dupieux tient son chef-d'oeuvre. Voilà.


Et je maintiens définitivement que, malgré tous les choix de carrière Ô combien merdiques qu'il a pu faire, Alain Chabat est quelqu’un de génial.


 
 
 

Comments


 ceci est un message de captain prozac 

 

Salut, c'est Prozac, le mec derrière le site. Juste pour dire qu'il faut éviter de prendre tout ce que je dis au pied de la lettre et me considérer comme le Grand Gardien de la Vérité, de la Morale et du Bon Goût (même si c'est bien le genre de truc que j'aime dire). 

Voilà. Éclate-toi, et va voir des films.
 

Bisous.

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