Larmes fatales (critique dialoguée)
- Captain Prozac (et un personnage-prétexte)
- 17 nov. 2015
- 3 min de lecture
- Ah la vache, qu'est-ce qu'il fait chialer ce film…
Ah il fait chialer ? Si quelqu'un s'approche de toi en coupant un oignon et te dit "PLEURE ! RÉFLÉCHIS PAS ! PLEURE TA RACE, PUTAIN !" tu marches ?
- Bah non, mais quel rapport ?
Bah dans ce film c'est pareil...

Alabama Monroe - réalisé par Felix Van Groeningen - sorti en France le 28 août 2013
Tout, du début à la fin, est fait pour essayer de te faire chialer, ça en devient mécanique, inhumain. Alors c'est sûr que pour gagner des prix en festivals on trouve difficilement plus efficace mais bon... Soit tu t'en rends compte au bout de cinq minutes et ça marche pas, soit t'y fais pas gaffe et tu te laisses prendre, et là bonne chance...
- Et toi tu t'es pas laissé prendre ? Mais c'est triste quand même, merde…
Oui, c'est triste, bien sûr que c'est triste, y'a une gamine qui meurt du cancer, mais c'est pas pour ça que c'est bon. Un film avec une histoire triste c'est pas systématiquement émouvant. Ici y'a rien d'émouvant, on pose la base du bordel dans les cinq premières minutes en te balançant l'horreur du cancer à la gueule, et après on appuie dessus comme un bourrin. Et que je te montre la gamine qui peut crever d'une minute à l'autre, et que je te mets un passage joyeux juste pour te rappeler encore plus à quel point c'est triste juste après, et limite te faire culpabiliser d'avoir vu un truc qui te fait sourire… Et c'est le même schéma en boucle, c'est d'un tire-larmes facile comme c'est pas permis, ça en devient détestable. Et puis c'est tout dans le désordre, parce que... parce que pourquoi, va savoir... parce que voilà...
- Mais j'aime bien la narration non-linéaire…
Bah c'est comme tous les effets de style, c'est bien quand ça sert un propos, mais là y'a rien qui le justifie. On dirait que le film essaie en permanence de te paumer (sans jamais y arriver, d'ailleurs) sans aucune raison, comme si le réal voulait te dire "Hey ! Regarde ! Je fais des trucs ! Wouhou !" Même ça, ça me gonfle.
- Ouais, bon, OK, mais c'est plutôt bien filmé quand même…
Bof… C'est pas "mal" filmé, c'est plutôt banal. Et puis à vrai dire le fond me dérange plus que la forme. Au bout d'un moment, le mec commence à enchaîner les digressions à travers des sujets sur lesquels il n'a aucune putain de connaissance, du coup on plonge très vite dans le n'importe quoi le plus total (ça c'est dans le meilleur des cas, au pire t'as l'impression qu'on te prend pour un débile). Entre la poésie approximative (les beaux discours du père à sa fille sur l'au-delà, c'est d'un niais comme j'en ai rarement vu, et j'en ai vu du niais au cinéma, putain...), la politique de comptoir sortie tout droit de la bouche d'un pilier qui en est à son douzième verre de blanc à neuf heures du mat', la religion expliquée par un inculte, la philosophie pour les nuls… C'est insupportable… Et la fin… J'ai pas compris. Mais je crois aussi qu'à ce stade-là j'en avais plus rien à branler de comprendre ce qu'on essayait de me raconter... C'est symbolique, j'imagine. Symbolique de quoi, j'en sais rien, mais caler du symbolisme dans un film, ça fait poète, donc ça marche...

- T'aimes pas le film, quoi…
Oh ! Bien joué Sherlock !
- Ouais mais non, le côté politique et religieux foireux, comme tu dis, il est là pour correspondre à la pensée des personnages, c'est comme le fait qu'ils soient passionnés par l'Amérique...
Ah bah tiens ! Parlons-en, de ça ! De ce que j'ai vu y'a pas que les personnages qui sont passionnés par l'Amérique, parce que tout le film ressemble à une production américaine un peu indé. Et c'est con hein, mais ça aussi ça me casse les couilles. Le fait de vouloir ressembler à un film américain lambda au lieu d'essayer de se chercher un style propre.
- Sans déconner, y'a absolument rien que t'as trouvé beau dans ce film ?
Si.
- Ah ! Quand même !
C'est vrai que la nana est belle, faut reconnaître. En même temps fallait bien tenter un truc, aussi minime soit-il, pour sauver le film du naufrage absolu hein...
- Et la BO, connard ? Hein ? Là tu peux rien dire, la BO elle déchire sa race.
Oui, c'est vrai. La BO elle déchire sa race (en particulier la reprise de The Boy Who Wouldn't Hoe Corn, et le morceau instrumental à la fin dont j'ai complètement paumé le titre). Je crois même que le seul truc qui m'a maintenu devant le film jusqu'à la fin, c'est qu'à la fin de chaque chanson j'attendais la suivante.
Mais le reste, y'a rien.
Rien du tout.
Non non, c'est de la merde hein.


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