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La couleur de l'arnaque (critique)

C’est quoi le cinéma ? Ça peut paraître con comme question mais des fois c’est chouette de se la poser. Si on revient aux origines, ça vient du cinématographe, la machine donc, qui veut plus ou moins dire « écrire avec du mouvement ». C’est bien déjà, comme début. Si on cherche plus loin, si on cherche ce que c’est que le cinéma en tant qu’art, on doit faire quelques choix pour réussir à bien le définir. Sur Wikipédia, on me dit que c’est « un art qui expose au public une oeuvre composée d’images en mouvement accompagnées d’une bande sonore ». C’est pas mal, c’est peut-être contestable sur certains détails, mais c’est pas mal, on avance...


Blue - réalisé par Derek JARMAN - sorti aux États-Unis le 3 décembre 1993


Pour Joseph Bédier (un mec que je ne connais absolument pas, j’ai chopé la citation sur Evene), le cinéma est « un oeil ouvert sur le monde ». Faut voir. Sinon, c’est « un mélange de vérité et de spectacle » pour Truffaut, c’est, ou du moins ça devrait être « un montage d’émotions » pour Resnais, « l’écriture moderne dont l’encre est la lumière » pour Cocteau, « du théâtre en conserve » pour Louis Jouvet (là par contre je suis pas d’accord, mais passons), ou encore « une réinterprétation du monde » pour Gaspar Noé. Je déteste ce que fait ce mec, mais là d'accord.


Bref, à force de chercher un peu partout des définitions, ou des débuts d’idées de définitions du cinéma, et en mélangeant tout ça à la vision que j’en ai moi-même, j’en suis arrivé à la conclusion qu’un film, pour en être un, nécessitait trois choses: du mouvement, de la mise en scène (c’est-à-dire la composition du cadre et du mouvement image par image, rien à voir avec la mise en scène du théâtre donc) et du montage. Tout le reste est accessoire. Et à ce titre, je considère L’Homme à la caméra de Dziga Vertov comme le plus grand film de tous les temps, puisqu’il parvient à n’utiliser que ce qui fait l’essence même du cinéma, ce qui lui est exclusif, sans s’encombrer du reste. Et faire ça en 1929, hé ben c’est beau putain.

En bref, et pour simplifier au maximum, un film est avant tout un objet visuel et mouvant*. Voilà.



Nous voilà maintenant en 1993, soit 64 ans après le plus grand film de tous les temps et presque 100 ans après l’invention du cinéma. Derek Jarman, un réalisateur dont je n’ai absolument jamais entendu parler, décide de sortir un film expérimental. Et en vrai j’ai rien contre le principe du film expérimental. À partir du moment où on pose des codes sur un art, il va bien falloir essayer de les faire péter à un moment ou à un autre, et c’est là que l’expérimental intervient. Mais péter les codes, ça marche quand ça crée du sens, quand y’a une raison, une logique, une idée derrière. Et dans Blue, y’a une idée derrière, ou du moins je l’imagine, remettre en cause le rapport à l’image et stimuler uniquement l’imagination du spectateur, certainement. Sauf que non, j’y arrive pas. J'y arrive pas parce que je reste convaincu que le support utilisé (le film, donc) n'est pas le bon. Ce n'est pas du cinéma.


J’ai pas encore parlé du film, mais pour ceux qui ne le savent pas, ça se résume à la voix off d’un narrateur nous racontant, sous la forme d’un long poème, l’histoire de la maladie qui l’a rendu aveugle. Le texte est accompagnée d’une bande sonore et musicale, et visuellement, tout est dans le titre: c’est bleu. Ouais ouais, c’est tout, un écran bleu, figé, pendant un peu plus d’une heure. Je vais peut-être dire une connerie, mais il me semble donc qu’aucune caméra n’a été utilisée. Alors soit je suis juste un vieux réac qui refuse le progrès (vous vous ferez votre avis vous-même) soit c’est quand même la base de tout, en terme de cinéma, de capter des images avec une caméra… Parce que j’ai oublié de le préciser quand je parlais de ma vision du cinéma tout à l’heure, mais l’un des buts d’un film est quand même de nous montrer quelque chose qui ne peut exister qu’en film. Donc si c’est pour faire du théâtre filmé, par exemple, non. Et si on peut remplacer le film par un unique tableau, là encore, non.


Est-ce que c’est inintéressant pour autant ? Non, j’ai pas dit ça. Mais simplement, ce truc est l’exact opposé de ce qui fait le cinéma, et si on le juge en tant que film, ça ne vaut absolument rien. C’est un objet sonore avant tout. À la limite, on pourrait même virer l’écran bleu et juste fermer les yeux, ça reviendrait au même. Et un film qu’on peut voir les yeux fermés, non. Merde.

Ceci dit, en tant qu’objet sonore, c’est cool.


* Rien à voir avec les sables mouvants.


 ceci est un message de captain prozac 

 

Salut, c'est Prozac, le mec derrière le site. Juste pour dire qu'il faut éviter de prendre tout ce que je dis au pied de la lettre et me considérer comme le Grand Gardien de la Vérité, de la Morale et du Bon Goût (même si c'est bien le genre de truc que j'aime dire). 

Voilà. Éclate-toi, et va voir des films.
 

Bisous.

 sorties à surveiller: 

 

17/06:  Swiss Army Man de Daniel SCHEINERT & Dan KWAN

10/08: Parasol de Valéry ROSIER

05/10: Mademoiselle de Park CHAN-WOOK

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